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Pénurie de matériaux d'isolation PIR et PUR : le ministre Michel rappelle la possibilité de réviser le marché public

Actualités - 14/11/2017
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Auteur(s) : 
Laure Lemmens / Benoît Lysy


Le secteur du bâtiment subit depuis plusieurs mois déjà une pénurie de matériaux d’isolation PIR (polyisocyanurate) et PUR (polyuréthane), ce qui entraîne une importante hausse des prix et un allongement des délais de livraison. Cette situation peut se révéler catastrophique pour les entrepreneurs car le contrat prévoit bien souvent le prix ainsi que les matériaux à utiliser. De nombreux projets restent ainsi en suspens, avec comme conséquence du chômage technique, des possibles demandes d’indemnité et un certain nombre d’emplois menacés. C’est pourquoi le premier ministre Charles Michel souhaite encourager, dans le cadre des marchés publics, le recours aux articles 38/9 et 56 de l’AR du 14 janvier 2013 relatifs aux « circonstances imprévisibles ». Les adjudicataires peuvent en effet demander sur cette base la prolongation des délais d’exécution prévus. En outre, en cas de « préjudice très important », ils peuvent même obtenir la révision voire la résiliation du marché.
 
 

Le ministre donne de plus amples précisions à ce sujet dans une circulaire du 6 novembre 2017, dont voici un aperçu.

Circonstances imprévisibles

En principe, les adjudicataires n’ont pas le droit d’apporter des modifications aux conditions du contrat en raison de circonstances auxquelles l'adjudicateur est resté étranger. Mais l’article 56 de l’AR du 14 janvier 2013 prévoit néanmoins une telle protection en cas de « circonstances imprévisibles ». Il s’agit de « circonstances que l’adjudicataire ne pouvait raisonnablement pas prévoir lors du dépôt de son l'offre, qu'il ne pouvait éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait obvier, bien qu'il ait fait toutes les diligences nécessaires ».

Il peut dans ce cas demander la prolongation des délais d’exécution. En cas de « préjudice très important », il peut même demander que le contrat soit revu sur d’autres points, voire qu’il soit résilié. On parle de préjudice très important lorsqu’il s’élève « au moins à 2,5 % du montant initial du marché », ou au moins à 100.000 euros.
En cas de révision du marché sous la forme d’une indemnité, une franchise égale à 17,5 % du montant du préjudice déterminé est appliquée. Cette franchise atteint au maximum 20.000 euros.

Modification de la législation

Attention toutefois : l’article 56 a été abrogé en juin 2017. Les marchés publiés ou qui auraient dû être publiés à partir du 30 juin 2017 ainsi que les marchés pour lesquels, à défaut d'une obligation de publication préalable, l'invitation à introduire une offre a été lancée à partir de cette date, restent soumis à l’article 38/9 de l’AR du 14 janvier 2013.

Cet article prévoit tout d’abord que les documents du marché doivent prévoir une clause de réexamen. Celle-ci doit décrire les conditions de révision « lorsque l'équilibre contractuel du marché a été bouleversé au détriment de l'adjudicateur par des circonstances auxquelles l'adjudicateur est resté étranger ».

L’adjudicateur peut, en cas de circonstances imprévues, avoir recours à cette clause en vue de demander une prolongation du délai d’exécution, une révision des conditions contractuelles ou une résiliation du contrat. Le législateur est beaucoup plus strict qu’auparavant en ce qui concerne le « préjudice subi ». Dans le cadre des marchés de travaux ou de services, ce préjudice doit atteindre au moins 2,5 % du montant initial du marché. Si le marché est passé sur la base du seul prix, sur la base du coût ou sur la base du meilleur rapport qualité-prix lorsque le poids du critère relatif au prix représente au moins 50 % du poids total des critères d'attribution, le seuil du préjudice très important est en toute hypothèse atteint à partir de :
175.000 euros pour les marchés dont le montant initial du marché est supérieur à 7.500.000 euros et inférieur ou égal à 15.000.000 d’euros ;
225.000 euros pour les marchés dont le montant initial du marché est supérieur à 15.000.000 d’euros et inférieur ou égal à 30.000.000 d'euros ;
300.000 euros pour les marchés dont le montant initial du marché est supérieur à 30.000.000 d’euros.

Pour les marchés de fournitures et de services, le préjudice doit s'élever au moins à 15 % du montant initial du marché. Contrairement à la situation antérieure, il n'y a plus application d'une franchise.

L’AR prévoit encore que même en cas d’absence de clause de réexamen, le régime de protection sera également applicable de plein droit.

Priorité à la prolongation des délais

Le ministre Michel souhaite limiter les retombées pour le secteur et demande ainsi à ce que les pouvoirs adjudicateurs et les entreprises publiques (visés dans la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics ou dans la loi du 13 août 2011 relative aux marchés publics dans les domaines de la défense et de la sécurité) appliquent les articles susmentionnés. La priorité doit être donnée aux révisions portant sur l'allongement des délais d'exécution.

Mais le ministre dit toutefois clairement qu’il revient à l’adjudicataire de signaler les problèmes. Les autorités adjudicatrices ne doivent donc pas agir au premier plan. De même, les délais sont différents en fonction de l’article à appliquer. Dans le cadre de l’article 56, l’adjudicataire doit informer le pouvoir adjudicateur « au plus tôt » et « en tout cas dans les 30 jours ». Il doit décrire les faits à cette occasion et mentionner l'influence que ces faits ont ou pourraient avoir sur le déroulement et le coût du marché. Cette obligation est prescrite sous peine de déchéance, que la pénurie soit ou non connue de l'adjudicateur.

En ce qui concerne l’application de l’article 38/9, les réclamations doivent être communiquées « dans un certain délai » et « au plus tard 90 jours à compter de la date de la notification du procès-verbal de réception provisoire du marché ».

Voir également
Arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d'exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics, M.B., 14 février 2013 (art. 56 avant modification par l’AR du 22 juin 2017 et art. 38/9 tel qu’introduit par l’AR du 22 juin 2017)